Introduction générale
« tous les systèmes de modélisation se valent,
tous sont acceptables,
mais uniquement dans la mesure
où leurs principes d’intelligibilité
renoncent à toute prétention universaliste »
(Guattari, 1989, p. 10)
« La vision magique du monde
est celle d’un univers de puissances
qui, virtuelles,
ne tendent qu’à devenir actuelles. »
(Thom, 1975, p. 362)
La démarche autoréflexive que j’ai menée dans ce travail commence par une description de l’état actuel de mes recherches. Elle a pour ambition un dévoilement sincère des limites de ma pensée sous la forme de cartographies qui tracent les frontières numériques (Saleh, Szoniecky, & Ghenima, 2023) de ce qui est important pour moi aujourd’hui, c’est-à-dire la valeur des rapports que j’entretiens entre ma subjectivité (Guattari, 1989) et mon objectivité (Badiou, 2018) et qui forme mon milieu de connaissances (Berque, 2009).
Explorer c’est à la fois cartographier, formaliser et guider. Tout commence par la découverte d’un lieu, par l’expérience d’un espace dont on va ensuite décrire les impressions qu’il produit suivant des règles convenues pour que d’autres puissent les retrouver après soi-même.
Les espaces que nous décrivons sont des milieux, c’est-à-dire un tissu relationnel au sein duquel les connaissances existent, et sans lequel elles n’existeraient pas (Berque, 2009, p. 146). Ce sont des espaces vivants qui évoluent sans cesse et nous transforment à chaque interaction que nous entretenons avec eux (Aït-Touati, Arènes, & Grégoire, 2019). Suivant le principe d’énaction (Maturana & Varela, 1994), le couplage entre l’espace et l’auteur de sa description transforme à la fois l’espace et l’auteur. Explorer c’est se connaître soi-même en modélisant le milieu de ses expériences et en réfléchissant aux transformations que cela produit.
Les supports principaux de l’exploration sont les cartes. Elles utilisent des systèmes de coordonnées calculables et un vocabulaire formel abouti qui les rendent manipulables par des machines et donc potentiellement modélisables. Toutefois, la cartographie procède d’une multitude de choix qui sélectionneront dans l’espace à modéliser ce qui sera effectivement dans la carte. Pour transmettre une expérience, il faut la réduire à un ensemble de signes et par la même la soumettre aux contraintes de ce qui les caractérise : variabilité, associativité, équivocité (Deleuze, 1981). La transformation de l’expérience en signe est fondamentalement incomplète. L’exhaustivité n’est qu’un leurre. Toutefois, la carte possède une dimension diagrammatique qui donne au signe une potentialité d’action à la manière d’une partition musicale (Stransky & Szoniecky, 2014). La carte guide vers une expérience sans décrire toutes les connaissances auxquelles l’expérimentation donnera accès. Avec une carte, je sais où trouver une rivière poissonneuse, mais pas si je vais effectivement pêcher des poissons et lesquels. Nous vous invitons à vous laisser guider par les signes que nous présentons en espérant que la pêche aux connaissances sera fructueuse pour vous, elle l’est déjà pour moi.
Plan du volume
Ce volume de mon HDR présente mes connaissances en rapport avec mon métier d’enseignant chercheur et les pratiques informationnelles qu’il génère (Thiault & Malingre, 2022).
Nous suivons un processus d’exploration qui commence par une première partie qui présente les étapes de mon parcours intellectuel (1 Positionnements) à travers mes frayages intellectuels (Citton, 2010) qui débutent avec l’histoire de l’art puis s’ancre dans les sciences de l’information et de la communication pour développer un projet de design des connaissances qui mène à une théorisation des écosystèmes de connaissances et finalement à la mise en pratique d’une méthode de modélisation et d’analyse de l’information et de la communication. Ce chapitre présente :
mes parcours initiaux (2 Parcours initiaux)
mon parcours en Sciences de l’information et de la communication (3 Mon parcours en Sciences de l’information et de la communication)
ma méthode pour créer un écosystème de connaissances (4 Méthode pour créer un écosystème de connaissances)
les données de mon écosystème de connaissances (5 Les données de mon écosystème de connaissances)
Les personnes de mon écosystème de connaissances (6 Les personnes de mon écosystème de connaissances)
Nous verrons ensuite dans une deuxième partie consacrée à l’exploration des écosystèmes de connaissances les résultats de mes recherches qui m’ont conduit à définir des principes à la fois théoriques et pratiques en matière :
- de modélisation des connaissances (2 Principes théoriques de modélisation des connaissances),
- de cartographie des connaissances (3 Principes de cartographie des connaissances).
La troisième partie de ce volume est consacrée à mes perspectives scientifiques (4 Echelles d’exploration et axes d’expérimentation) que nous développerons en suivant quatre échelles d’exploration :
échelle locale : produire une expression matérielle cohérente (4.1.1 Échelle locale : produire une expression matérielle cohérente)
échelle sociale : la communauté des enseignants chercheurs (4.1.2 Échelle sociale : la communauté des enseignants chercheurs)
échelle conceptuelle : théoriser la modélisation des connaissances (4.1.3 Échelle conceptuelle : théoriser la modélisation des connaissances)
échelle globale : technologies intellectives (4.1.4 Échelle globale : technologies intellectives)
et six axes d’expériementation :
- les frontières numériques (4.2.1 Axe Frontières numériques)
- l’internet des objets (4.2.2 Axe Internet des objets),
- les écritures génératives (4.2.3 Axe écritures génératives)
- le design des connaissances (4.2.4 Axe design des connaissances)
- l’éthique de la discussion pour l’intelligence collective (4.2.5 Axe éthique de la discussion pour l’intelligence collective),
- les puissances existentielles (4.2.6 Axe puissances existentielles).
Enfin nous conclurons ce volume par une synthèse de nos propos et la présentation des annexes et des références utilisées.